LITTLE BOB : "
La Story" (Denoël / X-Trême)

Ma première rencontre avec Bob remonte en 1975, à Meaux, lors de la tournée « Rock D’Ici » qui mettait à l’affiche toute la fine fleur du rock progressif françaoui : Magna Carta, Carpe Diem, Mona Lisa, Tangerine, Ange. Sous un chapiteau planté en plein cagnard où la température intérieure devait avoisiner les 40° (chronique du festival dans le n° de septembre d’Extra, pour ceux qui s’en souviennent), Bob et sa Story délivrèrent un set parfait mais qui n’eût guère l’approbation des babas cools qui préféraient nirvaner dans les volutes de marocco au son d’envolées planantes que d’aller pogoter sur les accords rock'n'roll des rockers du Havre. Depuis cette fameuse date, et jusqu’à aujourd’hui nos chemins devaient se croiser souvent : concerts (dont un mémorable également organisé au théâtre de Villeneuve St Georges, ville dans laquelle j’ai grandi !) interviews, rencontres quelquefois fortuites mais toujours, et quel que soit le motif, très agréables. Aussi dévorais-je cette (auto)biographie (que Bob a écrite avec Christian Eudeline) avec appétit. Des premiers concerts dans sa ville « d’adoption » le Havre, aux tournées anglaises, l’enregistrement des disques, les managers/ tourneurs véreux, le succès qui n’arrive pas franchement et cette reconnaissance qui déboule, sans crier gare, dans les années 90 ! La dope qui s’empare de quelques-uns de ses musicos, les galères, la vie sur la route, la thune qui n’est pas toujours au rendez-vous, rien n’a attaqué, en quasiment cinq décennies, cette envie furieuse de jouer toujours et encore cette musique. « C’est con » me confiera-t-il au téléphone la semaine dernière : « J’ai oublié de rajouter des trucs… ». Car Bob est un vrai, un type sincère et surtout pas poseur, contrairement à pas mal d’autres… Un de ces personnages nés pour le rock,  pour qui la vie, la carrière, n’auront vraiment pas été un long fleuve tranquille même s’il reconnaît avoir eu beaucoup de chances. De tous les types de sa génération, de ceux qui ont démarré le rock (en France) dans le courant des années soixante il est le seul à être encore debout dans ses boots et à parcourir régulièrement l’hexagone en long en large et en travers avec son excellent groupe et sa fidèle Mimi, afin d’y donner des concerts de folie. Pour toutes ces choses, Bob, grand, très grand respect !!!

: JeanDo BERNARD
 



 

 

MARC DUFAUD : BRUCE SPRINGSTEEN, Une Vie Américaine (Camion Blanc)

Pour être tout à fait honnête, j’ai décroché de Springsteen depuis pas mal de temps. Peut-être après The River ou bien Nebraska. Mais j’ai fait partie de la cohorte des gens qui ont pris les premiers concerts parisiens du Boss en pleine poire. Et qu’à part Darkness On The Edge Of Town qui reste, pour moi, un disque fabuleux, que je me rejoue de temps à autre, de Springsteen, je n’écoute plus rien. Les productions du bonhomme me laissent désormais de marbre… Aussi m’embarquer dans la lecture de cette colossale biographie (815 pages !) m’effrayait un tantinet. J’ai pris mon temps et je ne le regrette absolument pas. Marc Dufaud a réalisé un sacré bouquin ! Tout ici est disséqué, expliqué, analysé avec pertinence et surtout avec une connaissance et un souci du détail qui forcent le respect. De sa jeunesse zonarde à Ashbury Park, aux concerts dans les stades, son implication dans la campagne de Barak Obama, ses dons pour des œuvres caritatives, on ressort de cet ouvrage, incollable sur Springsteen. On peut donc affirmer, sans avoir peur de passer pour un benêt, que cette biographie est la plus complète, la plus fournie qui ait été écrite sur le musicien du New Jersey et l’on comprend mieux certaines parties de sa vie qui ont été sujettes à controverse (notamment le « trouble » apparu après son Born In USA). Le seul hic ce sont les fautes (orthographe, redites…) innombrables qui entachent considérablement cette lecture. D’après l’éditeur, une nouvelle version corrigée devrait faire son apparition chez les libraires soon. Cool !

: JeanDo BERNARD


   KATHRYN STOCKETT : "La Couleur Des Sentiments" (Editions Jaqueline Chambon / Acte Sud)

On a beau se dire, le blues il vient du Mississippi, ça ne fait pas tout. On a pu imaginer la vie des bluesmen là-bas, on en a lu des trucs, des histoires, des romans, des autobiographies, on en a bouffé des films bons ou moins bons, des documentaires durs ou colorés, de l’éclat de rire a la larme à l’œil, du misérabilisme à la fanfaronnade…
Je suis tombé sur ce bouquin à la bibliothèque, comme ça pour tuer le temps…
Puis, petit a petit, au fil des lignes, ces trois voix qui se complètent qui racontent la même histoire, qui font avancer le bourricot, qui développent l’ambiance, font monter la pression, elles m’ont happé et je n’ai quitté leur monde qu’à regret.
Année soixante, Martin Luther King, l’assassinat de Kennedy, vous voyez le Mississippi, le coton, la chaleur, la ségrégation. OK tout le monde suit… ça va, ça va, déjà vu OK maintenant on change l’angle, passons en cuisine, les bonnes des blancs, elles sont noires ; et qui élèvent les enfants des blancs ? Elles bien sûr !! La bonne idée de ce livre est de mêler les voix de deux de ces bonnes avec celle d’une jeune blanche qui cherche a comprendre pourquoi tant de tensions. Elle a envie d’écrire…
Elle n’a pas compris pourquoi sa nourrice a été chassée, elle est un peu idéaliste et entraîne sur son projet de témoignage de la vie des bonnes deux d’entres elles et ça roule…. 
Jusqu’au mot fin et le mot fin avait un goût de reviens-y, c’est si bon…

: Martin BELCOUR
 



 KEITH RICHARDS : Life (Robert Lafont)

Le bouquin démarre à cent à l’heure, avec un premier chapitre qui met tout de suite dans l’ambiance : Une arrestation musclée du Keith et de Freddie Sessler (un pote à Keith) dans un bled paumé de l’Arkansas par un sheriff belliqueux qui coffre tout le monde (Ronnie Wood était dans la voiture également). Une de ces scènes dingues dont Tarentino ou les frères Cohen pourraient se servir dans un de leur film.
On se dit, chouette, l’autobiographie de Keef the Riff commence sous les meilleurs auspices, parce que, du guitariste des Stones, on ne s’attend pas vraiment à autre chose que ça… De la dope, du soufre, de la rébellion… et, bien sur, du Rock'n'Roll. Mais il fut un temps ou le Rock, s’il était une musique avant tout, véhiculait mieux que personne tous ces clichés et les Stones, son guitariste en tête, représentaient la quintessence de cette musique qui avait pactisé avec le Diable ! Et à cette époque, dans les années soixante-dix, et pour toutes ces raisons, les Rolling Stones étaient vraiment le plus grand groupe du monde.
Ensuite ? Pas grand chose serait-on tenté d’écrire. Enfin… De la dope quasiment à chaque page, du rock, évidemment et surtout une mauvaise foi quasi embarrassante pour le lecteur qui connaît un peu son encyclopédie des Pierres qui Roulent. Mauvaise foi dont l’auteur se sert abondamment pour se mettre en avant. Les Stones, bonhomme, c’est ma gueule… Pas l’autre tâcheron de Jagger… Alors hormis Charlie Watts, le seul du groupe pour qui Richards a vraiment de l’estime, les autres ne sont guère épargnés. Wyman est quasi inexistant du bouquin, Brian Jones et son successeur Mick Taylor sont quantités négligeables et dans la seconde partie du bouquin, le Richards dégomme à tout va Sir Mick Jagger. Mince ! Pareil pour Gram Parson. Il a beau verser une larme de crocodile sur sa disparition… là, on ne marche pas du tout dans cet atermoiement forcé. Et c’est un peu ce qui dérange dans cette autobiographie. On aurait aimé avoir l’avis plus objectif du riffeur en chef, car jusqu’à présent seul Wyman avait raconté ses mémoires. Mais, et désolé pour lui, vu que c’est le personnage le moins intéressant des Stones, sa biographie de l’intérieur laissait un peu sur sa faim. Là, c’est exactement la même chose, sauf que, bien sur, Keith Richards est une sacrée grande gueule. A le lire, on croirait plonger dans les mémoires de Corléone…
Il fut un temps où les disques des Stones nous bousculaient (pour ma part, jusqu’à Goat’s Head Soup. Après…soupirs…) ou leur vie trépidante nous enchantait. Aujourd’hui leur musak est devenue quasi insupportable et les musiciens sont, hélas, devenus à son image !


: JeanDo BERNARD
 

 

 BEST OF BEST
 1968-1979 (Castor Astral)

Best, créé par Gérard Bernar est apparu dans les kiosques en 1968. Un an après il est racheté par Patrice Boutin, type pas vraiment très clair, joueur, buveur et dont les relations laissaient à désirer (notamment avec des barbouzes du S.A.C. Service Action Civique, milice d’extrême droite créée par De Gaulle  !!!). Comme le dépeint Bruno Blum, qui a eu l’idée de ce bouquin et qui en a coordonné toute sa conception : « Avec d’un côté un gros con de patron mauvais payeur devenu très riche grâce à  nous (il l’était déjà avant, remarques), qui ne comprenait rien au rock (un comble), frimait en Ferrari et picolait, pilier de bar du matin jusqu’au soir au troquet en bas du journal, pathétique dans son costar à une brique, avec son Havane et de l’autre un rédac chef brillant, drôle et intègre qui bataillait comme il le  pouvait contre ce boss inepte : Je savais de quel camp j’étais. » Christian Lebrun fut ce rédac chef unanimement apprécié de toute l’équipe. Il succéda à Sacha Reins : « Ce fut très bien que Christian soit devenu rédac chef car il a ouvert le journal à des trucs qui me seraient, je pense, passés au dessus de la tête (le punk, le reggae, la french pop à la Daho) ». Et, comme le rajoute Bruno Blum : « Il est le principal responsable du succès durable de Best (tirage de 185.000 exemplaires en 1980, soit près de cinq fois celui des Inrockuptibles en 2010 -) avec un nombre de lecteurs estimé aux alentours de 500.000 ».
Ce livre ne raconte pas la genèse de ce magazine, ni les dessous de la lutte incessante entre Christian Lebrun (et l’équipe rédactionnelle) et la direction de Best, mais nous propose une série d’articles parus donc entre 68 et 79. On y retrouve les chroniques In The City, de Bruno Blum, à l’époque basé à Londres, des interviews de Sacha Reins (cette photo de Richards et Reins ! Waow !!!), les premières chroniques de reggae de Francis Dordor et moult papiers qui ont fait la renommée du magazine. A l’époque on achetait systématiquement les deux seuls magazines de rock, Rock & Folk et Best, trouvant leurs propos complémentaires (en fait, on était loin de se douter de la « guerre » fratricide entre les deux rédactions), une époque aujourd’hui révolue. Se relire ces interviews de Young, Zappa, Bill Graham ou Jerry Garcia, pour ne citer que ceux-là, procure encore, quarante ans après, de purs moments de bonheur et ce, malgré une maquette un peu bordélique. La seconde partie, 1980-1991 est prévue pour 2011.


: JeanDo BERNARD
 

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