NEAL BLACK & THE HEALERS : "Sometimes The Truth" - DixieFrog Records (2011)

Maturité vocale, talent guitaristique, maîtrise artistique, classe internationale. Neal Black nous offre aujourd’hui son plus bel opus, sur lequel il invite ses amis américains Mike Lattrell, Mason Casey, Kim Yarbrough et Popa Chubby ainsi que les français Fred Chapellier, Nico Wayne Toussaint et Vincent Daune.
La complicité est de mise avec chaque protagoniste ! Notamment avec Popa Chubby qui intervient au chant et à la guitare sur trois titres : le désabusé New York City Blues, le réaliste Love And Money et le surprenant Left Her Back In Dallas, relatant une de ces rencontres féminines peu recommandables… Popa assure également les percussions (son péché mignon) sur le premier titre et un incendiaire solo de guitare dans l’instrumental  Justified Suspicion qu’il co-signe, introduit par le piano aérien de Mike Lattrell et conduit par l’harmonica rassérénant de Nico Wayne Toussaint… Ce dernier apporte d’ailleurs plus qu’une collaboration, il teinte dans la masse d’un jus particulier les trois plages où il intervient. Mississippi Doctor notamment, bénéficie grâce à lui d’un climat unique. Fred Chapellier gratifie Chicken Snack Cognac de belles envolées à la Tom Principato, et le bassiste Kim Yarbrough en profite pour insérer le genre de solos qu’on lui connaît bien en live. Mais surtout Fred joue dans le trop court Goodbye Baby d’Elmore James (seule reprise de l’album) que chante, à l’unisson avec Neal, Mason Casey ; un blues-rock qui déboule à plein tube. L’effet "cannonbal" est d’ailleurs présent presque partout, à peine estompé par la ballade visionnaire qu’est Holiday Inn In Heaven et Yesterday Promises Tomorrow au tempo lent mais aux solos acérés comme les lames du couteau qui voudrait briser le temps qui passe, mais surtout Gringo Bring Me Your Guns où l’accordéon de Christophe Duvernet fait mouche pour une nostalgique touche tex-mex.
Il faut globalement lire entre les lignes : dans les lyrics, transparaissent l’outrage des ans, le déracinement, le mensonge, les femmes faciles, les rapports à l’alcool et aux addictions, l’argent, la mort… mais aussi cette formidable envie de vivre et de partager bonheurs, joies, amitié et amour. Le must actuel du blues-rauque,  Sometimes The Truth est au final une ode à la vie, offerte par un écorché-vif au grand cœur.
Le genre d’œuvre à ne pas laisser à d’autres…

: Marc LOISON


            
 

C.W. STONEKING : "Jungle Blues" - King Hokum Records (2011/2008) 

Lorsque à la radio j’ai entendu C.W. Stoneking chanter avec ses tripes la reprise du Brave Son Of America, vieux titre à la gloire du Général McArthur, j’ai été d’emblée très ému par cette voix éraillée et ce chant d’une ivresse dont on ne sait si elle résulte d’un bonheur immense ou d’un malheur qui ne l’est pas moins. Et l’accompagnement calypso jazz/blues avec brass band, comprenant tuba, cornet et trombone, n’était pas moins envoutant. C.W. Stoneking est un Australien d’une trentaine d’année qui dès ses quinze ans donnait des concerts de pre-war blues. Après un disque de reprises en 1998, il enregistra en 2006 un second album, King Hokum, récipiendaire de plusieurs récompenses. Jungle Blues, inspiré en partie par un naufrage au large des côtes africaines, date de 2008 mais sa diffusion n’avait été à l’époque centrée que sur l’Australie. Il est donc réédité aujourd’hui pour une distribution beaucoup plus large. Si l’ambiance du disque est entièrement rétro, bloquée sur les années vingt et trente, il y a pourtant pas mal de variété dans ce mélange de blues et de jazz Dixieland parfois augmenté de rythmes caribéens et non dénué d’humour. Si les moments que je préfère sont ceux où son Primitive Horn Orchestra le seconde, Stoneking est parfois solitaire, accompagné de sa guitare National Resophonic ou d’un banjo. Il en va ainsi sur Jailhouse Blues, Early In The Mornin' ou pour Talkin' Lion Blues, morceau sur lequel il n’hésite pas à yodeler. Le disque s’ouvre de manière émouvante avec Jungle Blues où la fanfare s’en donne à cœur joie. Elle est également très présente pour un I Heard The Marchin Of The Drum tout aussi poignant. Jungle Lullaby est une très belle ballade avec quelques inflexions orientales. Stoneking laisse sa place au micro à Kirsty Frazer - sa femme ; elle aussi une chanteuse très convaincante - pour Housebound Blues qui rappelle l’ambiance des enregistrements d’une Bessie Smith même si le chant est très différent. Avec The Love Me Or Die, c’est le croisement du blues et de la musique cubaine. C.W. Stoneking et son Primitive Horn Orchestra s’y montrent toujours très touchants. Si ce n’est Brave Son Of America, tous les morceaux sont de la plume de Stoneking et le dernier d’entre eux, The Greatest Liar, est principalement un monologue prononcé devant une assistance hilare et se terminant joyeusement par l’intervention du brass band. Un disque qui passe et repasse sans cesse sur ma platine.
http://www.myspace.com/cwstoneking

: Luc BRUNOT
 




KID ROCK : "Born Free" - Top Dog / Atlantic (2010) 

Ecrire un nouvel album ne doit finalement pas être chose trop compliquée lorsqu’on s’appelle Kid Rock et que l’on a trempé outrageusement dans la plus décadente des mixtures musicales et que l’on a défrayé la presse people par ses relations sulfureuses avec une des bimbos siliconées courant intelligemment en maillot rouge sur les plages dorées de Malibu. 
De ses rapports compliqués avec le Tout Puissant (son avant dernier album ne s’appelle t-il pas Rock N Roll Jesus ?) au titre sulfureux de son Devil Without A Cause en 1997, le Kid de Detroit Michigan est revenu fin 2010 dans une sagesse assumée et inattendue sur un titre rageur de liberté pour nous offrir son douzième album, Born Free. 
Si ce nouvel album emprunte largement aux harmonies vocales et musicales de son illustre compatriote d’Ann Harbor Bob Seger, Kid Rock (Robert James Ritchie pour l’état civil) devient à quarante ans le nouveau personnage incontournable de la scène d’un des états américains qui aura pourtant vu pousser la crème des Billboards – Bob Seger bien entendu mais également Glenn Frey des Eagles sans oublier John Lee Hooker qui y aura résidé longuement et y aura écrit ses plus grands titres (Motor City Burning) pour ne citer que ceux là. 
Et c’est là que se pose inévitablement la question : comment un Kid de banlieue, bagarreur, mal torché et mal éduqué comme Kid Rock, élevé au grand foutoir du Rock à dix balles, du rap des cités et de la country easy-listening a-t-il pu se hisser en l’espace de quelques années à un tel niveau de performance et d‘excellence ? 
Comment un tel Bad Boy a-t-il pu convaincre au fil des années des personnages aussi populaires que Sheryl Crow, Hank Williams Jr, Bob Seger, Kenny Wayne Shepherd, Billy Gibbons des ZZ Top, Martina McBride et Mary J Blidge de l’accompagner quasiment les yeux fermés sur des projets, qui avouons le, ont tous accouchés de véritables chef d’œuvres ! 
On ne rajoutera pas par décence dans cette liste ses multiples apparitions aux côtés des Lynyrd Skynyrd et autres Aerosmith sur scène.
La réponse tiendrait elle dans les douze titres de ce petit bijou, rêvé dans une chambre de Nashville et accouché dans la liberté d’un studio du Michigan ? 
Tout démarre avec le fabuleux titre de baptême Born Free, un hymne patriotique comme seul l’Amérique sait les dédier à ses troupes dispersées sur les fronts belliqueux et explosifs qui rendent notre Planète malade, un tempo vintage renvoie Bob Seger à notre bon souvenir. 
Vont alors s’enchainer le très stonien Slow My Roll (bien que les sons distillés par la guitare nous plombent de l'image des Allman Brothers), la rythmique terrifiante des Williams/Rudd (comment ça, vous ne savez pas de qui on parle ?) sur God Bless Saturday, le bluesy-gospel Rock Bottom Blues, le Time Like These qui nous ramène trente ans plus tôt à l’album Desperado des Eagles, le slow de la mort qui tue Rock On basé sur les sempiternelles ruptures amoureuses, le duo Sheryl Crow au chant et Bob Seger au Piano sur Collite, et puis en plein cœur de ces titres déjà hautement qualifiables pour toute première place du Billboard, trône le Chef d’œuvre absolu en compagnie de Martina McBride et du rappeur T.I., la chanson Care. 
Autre symbole d’une Amérique malade et meurtrie par les conflits, Care se veut être juste une lueur d’espoir dans ce monde que rien ne saura sauver de la terreur, à part peut être quelques mots réconfortants sortis tout droit de l’imaginaire de nos saltimbanques. 
L’album clôture Time Like These, une ode à la rédemption d’un chanteur de rock qui s’assagit et devient un nouvel homme, tout beau tout neuf ! 
Si l’on rajoute à cela que pour la première fois dans la carrière de Kid Rock, aucun sticker « PARENTAL ADVISORY » ne vienne orner la jaquette de l’album, on peut naturellement penser que cette empreinte de liberté aura non seulement amené à l’enfant terrible du Michigan la sagesse mais surtout la plénitude d’une reconnaissance internationale. 
Kid Rock Rocks, je sais, elle est facile mais tellement évidente !
http://www.kidrock.com/

: Xavier BOULANGER


            

 


                                       

  KIRSTEN THIEN : "Delicious" - Screen Door Records (2010)

Encore une nouvelle venue (blanche, sexy, aux cheveux roux) dans le domaine du blues/rock ou rhythm'n'blues moderne. Elle se réclame de Ida Cox dont elle reprend au chant et à la guitare acoustique un Wild Women Don’t Have The Blues transcendé par l’harmonica de Billy Gibson. Pourtant, avec sa voix de soprano, pure et aérienne, on la verrait mieux dans la pop music ou la country music rayon Nashville. Mais voilà, les thèmes et les accompagnateurs sont  franchement du domaine du rythm'n'blues. En tout cas, outre cet hommage aux Wild Women, il y a  au moins une face qui fera saliver les amateurs de blues, Please Drive, à laquelle Hubert Sumlin apporte une contribution des plus convaincantes. Malgré ses ennuis respiratoires récurrents, Sumlin peut avoir des moments d’intense créativité comme on l’a vu lors du dernier Chicago Blues Festival en juin 2010 où, assis et relié à sa pompe à oxygène, il a ravi la vedette aux alumni de Howling Wolf (dont il est un des fleurons). Ici il est en toute grande forme aussi. Il  joue aussi dans Love That’s Made To Change, avec une section de cuivres rentre-dedans, mais il est avare de solos. Miss Thien, dont c’est le troisième album d’après les notes de pochette, s’accompagne encore de sa guitare acoustique dans une version intéressante de I Ain’t Superstitious mais on entend surtout le guitariste Arthur Neilson, accompagnateur attitré dans toutes les faces. Deux morceaux sont proposés deux fois, une version coquine et une version formatée pour la radio (Treat ‘Em Like A Man et Taxi Love, avec la section cuivres). Délicieux
http://kirstenthien.com/

: Robert SACRÉ







JJ GREY & MOFRO : "Georgia Warhorse" - Alligator Records (2010)

JJ Grey c’est l’inclassable, au répertoire éclectique, mélange de country rock et de rhythm'n'blues sudiste (le bien enlevé The Hottest Spot In Hell  et All, avec sax - Art Edmaiston - et trompette - Dennis Marion), de ballades en tempo lent exsudant la mélancolie (Gotta Know avec sax et trompette et Beautiful World) voire de swamp soul inspiré par les marais de Floride (Slow, Hot And Sweaty)… C’est du Nu blues parait-il ? Dont acte ! Grey c’est aussi un multi-instrumentiste, un chanteur au large registre et un compositeur doué tant pour les mélodies que pour les paroles (il a écrit et arrangé les onze faces de ce disque) : sa berceuse, Lullaby et son Let Me Rock You To Sleep sur des phrases de guitare envoutantes de Derek Trucks à la slide s’adresse plus à une compagne de lit qu’à un enfant mais c’est superbe. Il y a d’autres  faces à pointer comme The Sweetest Thing avec Toots Hibbert (du groupe  reggae Toots & The Maytals) en duo avec JJ Grey au chant ou la ballade en slow du King Hummingbird ; sans oublier l’ode en slide et à l’harmonica au Georgia Warhorse (une grande sauterelle !), un petit joyau de Florida  swamp soul et une comptine en medium d’un jeu de cache-cache à surprises (Hide And Seek). Un sixième album rebutant pour les puristes et autres passéistes mais très encourageant pour le futur d’une musique américaine métissée.
http://www.alligator.com/     http://www.jjgrey.com/

: Robert SACRÉ        
                                                                                                                                                                               

                 

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