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Maturité vocale, talent guitaristique, maîtrise artistique,
classe internationale. Neal Black nous offre aujourd’hui son plus bel opus,
sur lequel il invite ses amis américains Mike Lattrell, Mason Casey, Kim
Yarbrough et Popa Chubby ainsi que les français Fred Chapellier, Nico Wayne
Toussaint et Vincent Daune.
C.W. STONEKING : "Jungle Blues" - King Hokum Records (2011/2008) Lorsque à la radio j’ai entendu C.W.
Stoneking chanter avec ses tripes la reprise du Brave Son Of America,
vieux titre à la gloire du Général McArthur, j’ai été d’emblée très ému par
cette voix éraillée et ce chant d’une ivresse dont on ne sait si elle
résulte d’un bonheur immense ou d’un malheur qui ne l’est pas moins. Et
l’accompagnement calypso jazz/blues avec brass band, comprenant tuba, cornet
et trombone, n’était pas moins envoutant. C.W. Stoneking est un Australien
d’une trentaine d’année qui dès ses quinze ans donnait des concerts de pre-war
blues. Après un disque de reprises en 1998, il enregistra en 2006 un second
album, King Hokum, récipiendaire de plusieurs récompenses. Jungle
Blues, inspiré en partie par un naufrage au large des côtes africaines,
date de 2008 mais sa diffusion n’avait été à l’époque centrée que sur
l’Australie. Il est donc réédité aujourd’hui pour une distribution beaucoup
plus large. Si l’ambiance du disque est entièrement rétro, bloquée sur les
années vingt et trente, il y a pourtant pas mal de variété dans ce mélange
de blues et de jazz Dixieland parfois augmenté de rythmes caribéens et non
dénué d’humour. Si les moments que je préfère sont ceux où son Primitive
Horn Orchestra le seconde, Stoneking est parfois solitaire, accompagné de sa
guitare National Resophonic ou d’un banjo. Il en va ainsi sur Jailhouse
Blues, Early In The Mornin' ou pour Talkin' Lion Blues,
morceau sur lequel il n’hésite pas à yodeler. Le disque s’ouvre de manière
émouvante avec Jungle Blues où la fanfare s’en donne à cœur joie.
Elle est également très présente pour un I Heard The Marchin Of The Drum
tout aussi poignant. Jungle Lullaby est une très belle ballade avec
quelques inflexions orientales. Stoneking laisse sa place au micro à Kirsty
Frazer - sa femme ; elle aussi une chanteuse très convaincante - pour
Housebound Blues qui rappelle l’ambiance des enregistrements d’une
Bessie Smith même si le chant est très différent. Avec The Love Me Or Die,
c’est le croisement du blues et de la musique cubaine. C.W. Stoneking et son
Primitive Horn Orchestra s’y montrent toujours très touchants. Si ce n’est
Brave Son Of America, tous les morceaux sont de la plume de Stoneking
et le dernier d’entre eux, The Greatest Liar, est principalement un
monologue prononcé devant une assistance hilare et se terminant joyeusement
par l’intervention du brass band. Un disque qui passe et repasse sans cesse
sur ma platine. : Luc BRUNOT
KID ROCK : "Born Free" - Top Dog / Atlantic (2010)
Ecrire un nouvel album ne doit finalement pas être chose trop
compliquée lorsqu’on s’appelle Kid Rock et que l’on a trempé outrageusement
dans la plus décadente des mixtures musicales et que l’on a défrayé la
presse people par ses relations sulfureuses avec une des bimbos siliconées
courant intelligemment en maillot rouge sur les plages dorées de Malibu. KIRSTEN THIEN : "Delicious" - Screen Door Records (2010)
Encore une
nouvelle venue (blanche, sexy, aux cheveux roux) dans le domaine du
blues/rock ou rhythm'n'blues moderne. Elle se réclame de Ida Cox dont elle
reprend au chant et à la guitare acoustique un Wild Women Don’t Have The
Blues transcendé par l’harmonica de Billy Gibson. Pourtant, avec sa voix
de soprano, pure et aérienne, on la verrait mieux dans la pop music ou la
country music rayon Nashville. Mais voilà, les thèmes et les accompagnateurs
sont franchement du domaine du rythm'n'blues. En tout cas, outre cet
hommage aux Wild Women, il y a au moins une face qui fera saliver
les amateurs de blues, Please Drive, à laquelle Hubert Sumlin apporte
une contribution des plus convaincantes. Malgré ses ennuis respiratoires
récurrents, Sumlin peut avoir des moments d’intense créativité comme on l’a
vu lors du dernier Chicago Blues Festival en juin 2010 où, assis et relié à
sa pompe à oxygène, il a ravi la vedette aux alumni de Howling Wolf (dont il
est un des fleurons). Ici il est en toute grande forme aussi. Il joue aussi
dans Love That’s Made To Change, avec une section de cuivres
rentre-dedans, mais il est avare de solos. Miss Thien, dont c’est le
troisième album d’après les notes de pochette, s’accompagne encore de sa
guitare acoustique dans une version intéressante de I Ain’t Superstitious
mais on entend surtout le guitariste Arthur Neilson, accompagnateur
attitré dans toutes les faces. Deux morceaux sont proposés deux fois, une
version coquine et une version formatée pour la radio (Treat ‘Em Like A
Man et Taxi Love, avec la section cuivres). Délicieux. : Robert SACRÉ
JJ Grey
c’est l’inclassable, au répertoire éclectique, mélange de country rock et de
rhythm'n'blues sudiste (le bien enlevé The Hottest Spot In Hell et
All, avec sax - Art Edmaiston - et trompette - Dennis Marion), de
ballades en tempo lent exsudant la mélancolie (Gotta Know avec sax et
trompette et Beautiful World) voire de swamp soul inspiré par les
marais de Floride (Slow, Hot And Sweaty)… C’est du Nu blues parait-il
? Dont acte ! Grey c’est aussi un multi-instrumentiste, un chanteur au large
registre et un compositeur doué tant pour les mélodies que pour les paroles
(il a écrit et arrangé les onze faces de ce disque) : sa berceuse, Lullaby
et son Let Me Rock You To Sleep sur des phrases de guitare
envoutantes de Derek Trucks à la slide s’adresse plus à une compagne de lit
qu’à un enfant mais c’est superbe. Il y a d’autres faces à pointer comme
The Sweetest Thing avec Toots Hibbert (du groupe reggae Toots & The
Maytals) en duo avec JJ Grey au chant ou la ballade en slow du King
Hummingbird ; sans oublier l’ode en slide et à l’harmonica au Georgia
Warhorse (une grande sauterelle !), un petit joyau de Florida swamp
soul et une comptine en medium d’un jeu de cache-cache à surprises (Hide
And Seek). Un sixième album rebutant pour les puristes et autres
passéistes mais très encourageant pour le futur d’une musique américaine
métissée.
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