: JeanDo BERNARD




BIG DEZ : Lazy Star – Mosaic Music (2011) 

L’arrivée du printemps, en général, provoque certains changements. On ouvre grand les fenêtres, on fait un super ménage et on se débarrasse de ses vêtements d’hiver pour enfiler des choses plus appropriées. Chez Big Dez, on a procédé de même. Dans l’armoire les vêtements pur blues et place à ceux, plus légers, mais tout aussi seyants, du rock'n'roll. Exit les cuivres, on garde juste l’harmonica et on met les guitares, l’orgue, un poil plus en avant. Rassurez-vous, avec Lazy Star les Big Dez ne jouent pas encore du Slayer. Là, on retrouve plus des similitudes Fabulous T-Bird, voire même avec le Fly And The Tox de la grande époque avec toutefois une coloration rhythm'n'blues / funk plus prégnante que sur les groupes précités. Réalisé sous la houlette de Philippe Almosnino (qui co-produit le disque. Il joue chez les Wampas et pose sur ce Lazy Star quelques guitares), qui a parfaitement pigé la nouvelle orientation musicale du sextet, ce nouvel opus est hyper séduisant. Dans le fond, comme dans la (nouvelle) forme. Les onze titres s’emboîtent les uns aux autres dans une joyeuse sarabande, le son d’ensemble n’a rien à envier aux grosses productions, les arrangements sont parfaits et tirent ainsi de chaque morceau leur substantifique moelle. Aucun doute, Big Dez vient de réaliser un album marquant. Et on en vient à penser que sur scène, cette orientation musicale doit dépoter sévère. En tout cas, on a hâte de voir (et d’entendre) cela. Ce qui tombe très bien car Big Dez est en tournée hexagonale, donc il y a de fortes chances que le groupe joue pas loin de chez vous. On se retrouvera peut-être lors d’un de ces concerts. En attendant, on fera tourner le disque quasi en boucle pour le plus grand plaisir de nos esgourdes, amatrices éclairées de ce genre de disque…


HOT TUNA : Steady As She Goes - Red House Records (2011) 

Incroyable ! Un Hot Tuna, qui plus est (quasi) électrique, en 2011, on pourrait penser à une blague tant les dernières productions (épisodiques, quand même) d’un des groupes mythiques de la West Coast, se cantonnaient dans un registre folk / blues et ne laissaient en rien supposer que Kaukonen et Casady ressortiraient leurs grattes et basses électriques…Alors ? On est bien sur assez loin de cette intense trilogie électrique des mid-seventies qu’étaient Yellow Fever, America’s Choice et le somptueux Hopkorv , avec ce Steady As She Goes, on se rapproche plus d’un Paire A Dice Found, dans la forme en étant cependant d’un niveau légèrement supérieur. Avec Paire A Dice Found, un truc n’accrochait pas. Peut-être un manque d’unité, ou de réelle inspiration même si deux/trois titres se démarquaient agréablement. Ici tout est d’un super niveau et l’on sent les deux vieux amis hyper heureux de se (re)trouver encore, après toutes ces années. D’accodac, Kaukonen  a un poil moins d’attaque (euh…) mais envoie encore, comme lui sait le jouer - c’est à dire très très bien - des soli au son, au style si reconnaissables. Le grand Jack n’est pas là pour faire de la figuration et se prend quelques petits chorus époustouflants, histoire de montrer que le bonhomme tient encore le manche et qu’il faut toujours compter avec lui. Pour compléter le travail déjà colossal de Casady, Skoota Warner est le batteur qu’il faut pour caracoler allègrement derrière les deux virtuoses. Larry Campbell (ancien guitariste de Bob Dylan) qui produit les douze titres de l’album, joue également des guitares, violon, claviers… l’on retrouve aussi celui qui a désormais une place fixe entre Jorma et Jack : Barry Mitterhoff aux mandolines. Mon tout a été enregistré dans le studio de l’ex Band Levon Helm, dans sa maison de Woodstock, la pochette de cette merveille est une vraie tuerie et l’on adorerait que ce Hot Tuna là vienne visiter l’hexagone. En tout cas, Steady As She Goes est une super excellente surprise qui augure d’un printemps musical des plus enthousiasmants. Ugh, j’ai dit !!!
 

 
Chronique triplée pour ce que je nommerai les trois S.

De SNOWY WHITE, outre son passage remarqué chez le grand Thin Lizzy (et son rôle de gratteux chez Roger Waters pour sa tournée The Wall) je n’ai retenu que son fameux Bird Of Paradise, titre calibré FM devenu aujourd’hui une vraie scie, le CLASSIQUE de Blanche Neige. Aussi quelle ne fut pas ma surprise de me laisser emporter avec délices tout au long des quatorze plages qui constituent ce Realistic (Snowy White Records - 2011), album enregistré avec les White Flames, groupe désormais attitré de Snowy White. Ici, rien à jeter. Les compos sont excellentes, agrémentées comme il faut, ni trop, ni pas assez,  de soli de guitares lumineux, inspirés. Du reste, sur certains morceaux, on croirait presque entendre du Santana (le son de la guitare, les rythmes un poil latino) ! Sans Charre, White vient de réaliser un super album. Et si son touché de guitare reste magique (sensuel, même), le garçon se montre également un excellent chanteur. Alors ? Faites l’essai, vous m’en direz des nouvelles.
 

Pour ceux qui s’en souviennent The Church a été, dans les années 80/90 l’une des plus belles choses qui nous soit venue d’Australie. D’albums irréprochables aux couleurs psychédéliques en concerts énervés (cf: celui du Rex Club), The Church n’a jamais déçu. STEVE KILBEY était le bassiste et chanteur de ce groupe parfait. Sans parler de vraie dissolution du groupe, Kilbey, depuis quelques années vole de ses propres ailes et sort des albums solos de haut niveau. Ce White Magic (Second Motion Records - 2011), ne déroge en rien à la règle et est encore un truc classieux qui fait le pont entre le Floyd de Ummagumma et ce que pourrait faire encore aujourd’hui The Church. Et quel bonheur également d’entendre cette voix chaude, si caractéristique du défunt groupe aussie. Amateurs d’une certaine idée de la musique, ce disque est pour vous. Beau d’un bout à l’autre. Beau ? qu’écris-je ??? Grandiose, oui !


Le dernier S se négocie, comme à moto, à fond, en inclinant bien dans les courbes. Ancien chanteur et guitariste d’un autre groupe mythique de la fin des 80’s, mais lui, californien : The Dream Syndicate, STEVE WYNN réalise une carrière solo exemplaire (seize albums !) et cette toute nouvelle livraisonNorthern Aggression (Yep Rock - 2011) enregistrée avec son groupe The Miracle 3 est l’une de ses meilleures. Pourtant songwriter de grand talent (aussi bien au sein du Syndicate qu’en solo), il signe ici des textes dont on peut déjà écrire qu’ils sont (peut être) ses meilleurs. Non sans une ironie distanciée, Wynn narre avec minutie des histoires pas franchement gaies mais toujours d’une justesse infaillible le tout sur fonds de guitares saturées, énervées, d’orgue Hammond déjanté et de session rythmique apocalyptique. Wynn est un Artiste étonnant. L’un de ceux, véritable, qu’on continuera à encenser encore pendant des lustres. Pas la pire chose qui puisse nous arriver…

 

 

ELEVENTH DREAM DAY : Riot Now - Thrill Jockey (2011)

Encore un excellent groupe qu’on peut rajouter à la (longue ?) liste de ceux qui, ici (et même dans leur pays de naissance !) n’ont jamais eu la moindre reconnaissance, exceptée celle de quelques amateurs de bonne(s) musique(s). Eleventh Dream Day, tout comme les Dream Syndicate, Concrete Blonde, Dramarama, Buffalo Tom, les australiens de The Church ou les canadiens de Tragicaly Hip auront pourtant commis des albums de haute volée, et ce, sans le moindre intérêt médiatique. A part celui de quelques illuminés comme votre serviteur. Bon, on ne refera pas dans ces pages ni le procès des confrères sourdingues (ou soudoyés !), ni celui de la moribonde industrie musicale. Finalement on s’en branle pas mal que tout ce beau monde ait un goût de chiottes… L’important c’est de continuer à s’enflammer pour des choses qui valent la peine. Et ce Riot Now, voyez-vous est une pépite qui brille de mille feux et qui suscite encore un engouement indéfectible. Parce que le rock (oui, il est question de ROCK !!!) d’EDD est estampillé high energy, qu’il laisse la part belle à des guitares sursaturées, sauvages (celles du Weld de Neil Young !), que le son d’ensemble est aussi tranchant qu’un rasoir hyper affuté et que le groupe est toujours autant impliqué et dans sa musique et dans ses textes. On tient donc un album qu’on va, comme les précédents, user encore jusqu’à la corde. Et ça, c’est franchement enthousiasmant.

 

 

PHISH : Live In Worcester 27/12/2010 

Un double CD sorti pour le réveillon du jour de l’An bien qu’ayant été enregistré quatre jours avant. Chapeau bas !!! Mais avec Phish, on peut désormais s’attendre à tout. Considéré par beaucoup comme le nouveau Grateful Dead, le quatuor démontre avec ce nouveau live que cette filiation n’est en rien usurpée. Comme le Dead, Phish est bien meilleur en public que sur disque et les musiciens n’hésitent pas à se lancer dans de longues improvisations, délivrant des sets dont leur durée moyenne frôle les 3h de show ! Le groupe aligne les concerts devant un public qui, comme les Deadheads, suit chacune de leur prestation avec un enthousiasme communicatif, et chaque concert est copieusement piraté faisant ainsi le bonheur de tout complétiste un tantinet maniaque. Musicalement, et tout comme le groupe à Jerry Garcia, Phish révisite avec brio toute cette musique américaine, si riche qui nous accompagne depuis une cinquantaine d’années maintenant. Peut-être un peu moins roots que celle jouée par leurs brillants aînés, la musique de Phish, est un patchwork coloré qui va piocher autant dans le blues que dans le rock, se permettant des incursions presque jazzy, ou jazz-rockeuses, celles-ci, loin d’être redondantes ou prétentieuses présentent au contraire un groupe en pleine possession de son talent (on le constate également sur les quelques emprunts au rock progressif, en quantités limitées, qu’on se rassure !), et dont les membres sont de très brillants instrumentistes, capables de tout jouer avec ce feeling si particulier que seuls les grands groupes sont capables d’insuffler ! Vous l’aurez deviné, le chroniqueur, ne reniant rien de ses racines musicales, est en train de subir une forte addiction à la musique de Phish. Deadhead, forever, bien sur, mais pas loin de devenir un Phishead patenté !!! Et ça, finalement, c’est assez rassurant, voyez-vous…
 

 

THE GRATEFUL DEAD : Formerly The Warlocks – Rhino (2010)

Comme le faisait si intelligemment remarquer un confrère américain, les boîtes de disques, qu’on pourrait rebaptiser « pleureuses universelles » non seulement ne prennent plus un soupçon de risque d’un point de vue musical, mais, en plus, et pour de viles questions d’économie, refourguent (au prix fort !) leur dernière merde dans un emballage boitier plastoc vulgaire, photo (ou dessin hideux) pour illustrer et livret réduit à une peau de chagrin ! Certes, le format CD y est pour quelque chose mais on a quand même vu des trucs assez sympas sortir de ce format (certains coffrets en sont un bel exemple). Chez Rhino, les gens qui y bossent sont de vrais fondus de musiques. De vrais spécialistes. Et même en étant un petit label, leurs sorties sont toujours classe ! Leur dernière livraison ? Ni plus ni moins qu’un mini coffret classieux comme tout de 6cds du mythique Grateful Dead, enregistrés au Hampton Coliseum (Virginie) les 8 et 9 octobre 1989.
A la fin des années 80, le Dead était le groupe qui attirait le plus de monde dans ses concerts. Mais, s’il remplissait aisément des stades de 80.000 personnes, la sécurité du public (notamment celle des DeadHeads, communauté itinérante qui avait pris pour mode de vie de suivre le Dead dans tous ses concerts) n’était plus assurée. Le groupe se retrouvait alors face à  un énorme dilemme. Soit il continuait à remplir des stades, se coupant ainsi de cette communauté fidèle depuis les débuts du groupe ou alors il jouait dans des salles plus petites multipliant ainsi les dates de concerts…
Finalement, le choix ne fut jamais tranché jusqu’à la mort de Jerry Garcia en 1995 et le groupe continua sur sa lancée en privilégiant cependant les salles de tailles moyennes. C’est pour cette raison que les deux shows du Hampton Coliseum ne furent pas annoncés comme étant des concerts du Grateful Dead, le groupe, pour cette fois, ayant repris son nom original The Warlocks, celui qui fit les beaux jours des Acid Tests de Ken Kesey et ses Merry Pranksters.

Quarante deux titres, dont certains comme Help On The Way, Slipknot, Franklin’s Tower que le groupe n’avait pas joué depuis 1985 ou encore une superbe version du génial Dark Star qui n’avait pas été joué lui, depuis 84 (Attics Of My Life, quant à lui n’avait plus été joué depuis 72, clôt majestueusement le show du 9 octobre !) remplissent ces six CDs de fort belle manière, le Dead alternant morceaux rocks / blues / country ou improvisations lysergiques dans une épatante  progression. Du reste, pour pas mal de fans du Dead, ces deux concerts se classent dans ce que le groupe a fait de meilleur. Et pourtant. Garcia était accroc à l’héro (il venait tout juste de se relever d’un coma diabétique qui l’avait forcé à réapprendre la guitare !) tout comme le clavier Brent Mydland (qui lui, décèdera d’une overdose un an après ces shows !) mais il se dégage de l’ensemble de ces deux concerts une grâce presqu’encore juvénile. Le son, grandiose fait de ce The Grateful Dead, Formerly The Warlocks un morceau de choix dans une œuvre live pourtant déjà fort riche. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul on annonce l’arrivée courant 2011 de l’intégralité des shows donné par le Dead dans la vieille Europe en 72, soit 22 concerts, plus de 70 heures de musique en plus de 60 CDs. A noter qu’une première série, limitée à 7200 exemplaires, a été vendu sur le dead.net en moins de quatre jours ! A 450 € la box set, ça fait hyper mal !
 


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