GRIGRI BLUE : "Coeur Crooner"
Autres Rives Produxions (2011)

Bizarrement, alors que la communauté blues française s'emballe volontiers pour ses compatriotes borderline qui n'ont souvent du blues que de vagues influences – ce qui n'est pas nécessairement un défaut en soi, la musique n'a pas attendu cette forme d'expression originellement afro-américaine pour exister – Grigri Blue, lui, semble échapper à son attention pourtant volontiers éclectique.
Peut-être parce que le Franco-Ligérois ne fait pas dans la tonitruance ? C'est vrai que ses guitares sont volontiers acoustiques, que ses complices jouent d'instruments insolites tels que violoncelles, verres, et scie musicale. Parce que, oui, Grigri Blue, s'il faut absolument le coller dans une catégorie – ça va lui plaire, ça, tiens ! – alors il faudra plutôt le chercher du côté des poètes. En effet, tant dans ses textes que par sa musique, c'est bien de poésie qu'il s'agit ici. Oh, pas celle d'un Trenet, non, notre Grigri Blue, lui, on le rencontre plutôt au carrefour du Vaudou tendance bretonnant, pour les ambiances, et de la pensée libertaire, pour la conviction.
Alors c'est vrai, du blues formel, il y en a beaucoup moins ici que dans ses précédents CD. Juste un clin d'œil en passant, en fait, comme pour dire que oui, il aime toujours ça, mais excusez-le, hein, il a aussi sa propre musique à faire, désolé. Aussi est-on plus souvent dans la ballade, volontiers introspective, parfois un peu hispanisante – si si, en tendant bien l'oreille, vous verrez... non, vous entendrez, plutôt – mais une chose est sûre : avec sa grosse voix grave et voilée, ses rimes parfois subtiles, parfois plus périlleuses, l'homme est un traditionaliste d'aujourd'hui, un conteur des temps modernes, comme ceux qu'on venait écouter le soir au coin du feu, dans les villages, et qui vous retournaient l'âme comme une chaussette par le seul pouvoir de leurs mots.
Sauf que lui, aujourd'hui, on peut l'écouter sur sa chaîne, son iPod, son ordi... En concert, aussi, si on a la chance de croiser sa route, comme ce fut le cas pour votre serviteur il y a déjà longtemps.
Mais foin de nostalgie, Grigri Blue, lui, poursuit son bonhomme de chemin, loin des spotlights peut-être, pas vraiment taillé pour les pages people, pas du genre à chercher la notoriété dans les émissions de télé réalité non plus.
Non, lui, s'il doit un jour se retrouver sur un poster bien en évidence sur le mur d'un appartement bobo, alors ce sera assis entre Brel et Brassens, en train de répondre à Ferré.
En attendant ce jour, prêtez-lui donc l'oreille, l'homme a des choses à dire et sa petite musique est loin d'être désagréable.

: René MALINES
 


 

BACK