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JeanDo BERNARD

 

HELL'S KITCHEN

Une sacrée cuisine !



 

Genève, mars 2006. Ma venue dans cette ville suisse n’a, bien évidemment, rien à voir avec une quelconque tournée des banques helvètes… Du reste mon look et mes longs cheveux ne trompent personne et surtout pas le douanier suspicieux qui me demande ce que je viens foutre dans cette ville ultra-chic où les voitures de haut standing sont aussi nombreuses que les Trabant en ex union soviétique.

Ma mission était d’une importance plus capitale. Rencontrer enfin Bernard Monney, le guitariste/chanteur des Hell’s Kitchen, le groupe suisse dont le second album "Dr Owen" avait fait bouillir les quelques neurones intactes qui me restaient dans mon cerveau.

Decazeville, juin 2011. Entre ces années, mes rencontres avec les Hell’s Kitchen, même si elles ne furent pas légion, restèrent quand même suffisamment nombreuses pour qu’entre le groupe et moi, s’établisse comme une forme de complicité. J’aime leur travail, leurs disques et l’esprit qui émane de ces garçons et donc, je suis toujours partant pour aller les retrouver. En ce mercredi, dans l’ancienne ville minière qui connut son heure de gloire dans les années 50, le pari d’organiser un concert en plein milieu de semaine était plus qu’osé. Quatre vingt personnes pourtant répondirent présents à cette affiche (avec en première partie les Twist-O-Matics, groupe de reprises twist, emmenés par l’infatigable Ben, figure locale du rock decazevillois et leader des excellents Les Ennuis Commencent) concoctée par une association : Zemol Label, du bassin, qui œuvre pour que revive le rock dans cette région quasi désertée : Chapeau à eux !

Une fois la balance terminée, direction le restaurant où nous avons prévu de faire l’interview. Nous sommes à la bourre et finalement nous trouvons un peu de temps au moment du café. Bien sur, les questions / réponses vont tourner principalement autour de "Dress To Dig", leur nouvel opus qui (voir chronique plus haut), est une fois de plus un disque de haute tenue :
"C’est un disque qu’on a fait très vite, comme tous ceux que nous faisons finalement. On avait les chansons, et tout s’est emballé rapidement. En fait, rien n’était vraiment préparé. En général on écrit les morceaux en les enregistrant, c’est une manière de fonctionner qui nous va bien. Mais on avait quand même démarré l’écriture des textes, la composition des morceaux au printemps 2010 et on a finalisé l’enregistrement de cet album fin février 2011".
 

                       


Un album, un peu particulier dans sa conception car, pour la première fois, les Kitchen ont fait appel à quelqu’un d’extérieur au groupe pour superviser sa réalisation. Et cette personne n’est autre que Rodolphe Burger, l’ex Kat Onoma. Une rencontre idéale comme l’explique Christophe, le « nouveau » contrebassiste :
"Je connais Kat Onoma depuis très longtemps. J’avais vu un concert d’eux, j’étais encore adolescent et j’ai été subjugué par ce groupe, l’attitude sur scène de Rodolphe. Et il se trouve que mes deux comparses l’ont rencontré à Genève. Moi, je n’étais malheureusement pas là quand Bernard et Cédric ont discuté avec Rodolphe. Ils ont bu des coups ensemble et se sont liés d’amitié. Quand on a parlé de chercher quelqu’un, une oreille extérieure pour finaliser cet album, et comme la rencontre entre Rodolphe, Bernard et Cédric s’était hyper bien passée, j’ai suggéré son nom. D’autant qu’il nous connaissait et appréciait énormément ce qu’on faisait. Donc, ce projet de collaboration est devenu une évidence".


Pourtant, lorsqu’on connaît l’excellence de leurs précédents opus on peut s’interroger quant au besoin qu’on eut nos trois helvètes de faire appel à une oreille externe. Explication de Monney B :
"On a décidé qu’on allait avoir besoin d’une oreille extérieure parce qu’il y avait des choses sur lesquelles on se posait des questions et d’avoir cette fraîcheur, ce regard externe nous a fait du bien. Quand Rodolphe est arrivé il a tout de suite parlé de radicalisation. Il nous disait : « Coupez ça, refaites moi cette partie… » Quand il est arrivé il y a des titres qui étaient vraiment en chantier donc il a fallu refaire la batterie, des parties de guitare… Il a donné une direction. Il a pris sa guitare, il a joué, a chanté, bref, ça a été une vraie collaboration. Il s’est vraiment très impliqué parce qu’il était très emballé par ce projet. On a vécu d’une façon très serrée ce moment là pendant une dizaine de jours, dans un petit studio, confiné dans une cave ou la musique remplissait l’atmosphère. Ce fut une super expérience".

Si Dress ToDig s’inscrit dans une certaine continuité de leurs précédents opus on est frappés que, pour la première fois sur un de leur disque, on y trouve un morceau chanté en… français :
"Ca me pose toujours un problème de devoir chanter en anglais parce que c’est une langue ronde qui se prête tout à fait à ce style là, qui fonctionne bien, mais le problème avec l’anglais c’est que ce n’est pas ma langue maternelle, je ne me sens jamais trop sur de moi quand je chante en anglais. J’avais le souhait depuis longtemps de chanter en français mais en sachant aussi à quel point c’est difficile, avec ce poids de la littérature française, cet historique des gens qui ont écrits des  chansons que j’aime beaucoup et qui ont fait ça magistralement bien. Et quand on est francophone, faut vivre avec ça derrière, donc sur ce morceau j’ai choisi l’option d’un français approximatif, campagnard d’il y a un siècle…".

                       


Autre nouveauté, et non des moindres, cette signature avec le désormais label mythique français Dixiefrog. L’occasion pour les Kitchen d’être enfin présents à l’échelon national comme l’affirme Cédric, le batteur :
"C’est enfin une vraie distribution. C’est très bien de travailler avec des gens professionnels, de se sentir épaulés dans ce circuit, d’avoir des retours aussi…C’est un des « délégués » de Dixiefrog qui nous avait contactés à la sortie de "Mr Fresh" car il voulait savoir de quelle manière le disque était distribué. Ils étaient intéressés pour cette distribution mais ça n’a pas pu se faire car on était déjà en contrat avec un autre distributeur. Dixiefrog a posé des options sur ce nouveau disque et la signature s’est faite d’une manière assez simple finalement".

S'ils ne délaissent pas ce blues déjanté qui a fait un peu leur marque de fabrique les Hell’s Kitchen semblent lorgner un peu plus vers un rock assez couillu. "Dress To Dig" est rempli de guitares, les titres un peu plus enlevés, plus… rock :
"Plus rock ? Je ne sais pas. Peut-être dans le son ? Je n’ai pas assez de recul pour pouvoir m’en rendre compte. Il y a un côté un peu plus live que sur nos précédents albums. Peut-être que Rodolphe nous a un peu plus poussé dans cette direction car lui a l’habitude de travailler comme ça. On va essayer de refaire quelque chose avec Rodolphe parce qu’on s’est vraiment très bien entendu. On ne sait pas encore si ça va se faire, ni quand, mais un projet de fusion entre Rodolphe Burger et nous n’est pas à exclure. On en a très envie. Sinon, il n’est pas interdit qu’on recommence ce genre de collaboration avec quelque un d’autre, ce genre de travail est hyper intéressant, ce sont toujours, en général, de bonnes expériences".

Ce concert de Decazeville s’inscrivait dans une mini tournée française. Ceux qui les ont loupés ont une chance de se rattraper à la rentrée car nos helvètes vont bientôt revenir fouler le sol de notre hexagone, pour notre plus grand plaisir, il va sans dire :
"Pour jouer dans les  festivals d’été, c’est trop tard. Le disque n’est pas sorti suffisamment tôt pour qu’on puisse prétendre à jouer dans des festivals. En fait, le bouclage de cet album s’est fait très vite. On avait une deadline à respecter et on a vraiment speedé à la fin. Dès que le disque a été terminé il est tout de suite parti au pressage… Mais on démarre une tournée en septembre/octobre qui nous fera aller de Suisse en France, en passant pas la Hollande, en Belgique, puis le disque sortira en Allemagne et dans pas mal d’autres pays par la suite, donc on attaquera ce front dans la foulée. On fera sauter cette maudite ligne Maginot… (rires)


Un grand merci aux membres de l’association Zemol pour leur accueil chaleureux, à Xav’ Alberghini pour ses photos et bien sur à toute l’équipe des Hell’s Kitchen qui m’a reçu, une fois de plus, avec gentillesse et disponibilité. 




"Dress To Dig"  -  DixieFrog Records / Harmonia Mundi

 

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