Sharrie Williams
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Révélations du dernier festival d'Ultrech, SHARRIE WILLIAMS & THE WISEGUYS sont avec plus de 300 concerts par an de véritables brûleurs de planches. Celle que l'on surnomme "La Princesse du rockin' gospel blues" incarne avec son groupe l'interdépendance musicale parfaite.
Sharrie,
vous venez
du "Williams Temple Church's Choir" qui
était animé par votre famille. Pouvez-vous nous en parler ?
En fait nous allions à l'église tout le temps ! J'ai
grandi à l'église avec ma famille, nous avons tous été bercés par l'église qui
joue un rôle très important dans notre vie. James (ndlr : Owens, guitariste)
vient de la "God In Christ", Marco (ndlr : Franco, bassiste) est
"music minster". J'ai besoin de l'église. J'y vais tous les jours si c'est
possible. Je suis moi-même "music minster" dans mon église. Nous sommes tous
"music minsters". (ndlr : ils enseignent chant et musique à l'église et
s'y occupent de l'organisation de grandes cérémonies – mariages, funérailles…)
Y-avez vous appris le piano ou un autre instrument
?
J'aimerais savoir jouer du piano. Ma voix est mon
instrument.
Avez-vous pris des cours de chant ?
A l'église ? Oui. Mon père et ma mère avaient des
groupes quand ils étaient jeunes et ils chantaient à l'église. Et ma mère
écoutait beaucoup de blues.
Ecoutiez-vous d'autres musiques à cette époque ?
Oui. Les Clark Sisters étaient mes préférées.
Est-ce la même chose pour vous de chanter à la
maison qu'à l'église ?
Oui ! Je voudrais chanter tout le temps.
Depuis quand chantez-vous le blues ?
Depuis dix, douze ans. Mais je chante toujours du gospel
et du jazz.
Quel a été votre déclic pour le blues ?
Les ennuis. Les problèmes. J'ai eu une vie très dure.
J'ai eu le blues et le blues est devenu mon guérisseur.
Composez-vous vos morceaux ?
Pour la plupart. Nous écrivons ensemble.
Y parlez-vous de cette vie difficile que vous avez
vécu ?
Oui… Oui.
Y parlez-vous de la drogue ?
(ndlr : silence…) Oui.
Pensez-vous que le blues le permet
particulièrement ?
Je pense que c'est une porte ouverte qui permet de
communiquer avec chacun. Beaucoup de personnes tombent dans les problèmes et ne
savent pas comment s'en sortir. C'est un bon moyen pour tout extérioriser, les
problèmes, l'amour. Nous sommes comme des messagers et nous disons : "C'est bon,
tu vas t'en sortir !"
Quelles sont vos principales influences ?
Ma préférée est Tina Turner, pour la puissance. Etta
James pour l'âme (ndlr : "Soul"), le cœur de la musique. Aretha Franklin
pour l'étendue de sa voix. Et Billie Holiday, simplement parce qu'elle est
élégante. Billie est une "Classy Ladie". Et ça a créé Sharrie Williams !
Ne pensez-vous pas que l'on parle beaucoup de Koko
Taylor au détriment de beaucoup d'autres chanteuses de blues ?
Mais c'est la Reine !!! Elle est la Reine du blues. Et
moi j'en suis la Princesse ! (ndlr : rires)
Quand et où vous êtes-vous produite sur scène pour
la première fois ?
Je devais avoir… Douze ans peut-être ? Mais déjà enfant
je chantais en public à l'église.
Vous possédez votre propre club de blues.
En effet, le "Wiseguys". C'est de là qu'ils tiennent
leur nom (ndlr : en désignant ses musiciens)
A Detroit ?
Non, à Saginaw, situé à une centaine de miles de
Detroit. Je suis la première propriétaire noire du quartier Ouest de la ville.
La seule femme noire propriétaire dans un quartier blanc ce qui a créé pas mal
de tensions. Et mon mari est italien ! Donc je suis assez universelle…
Pouvez-nous vous présenter vos musiciens ?
Sterling Brooks est le batteur. C'est un jeune homme
très énergique, puissant, et aussi un très bon chanteur. Il est le "baby" du
band.
Marco Franco, le bassiste. Marco n'est pas un bassiste
de blues au sens traditionnel. Il possède un jeu épicé qui apporte beaucoup de
nouveauté. Par contre, j'espère toujours le faire chanter mais il refuse à
chaque fois !… Il étudie également le classique et le jazz et enseigne la
musique à des enfants de huit ans handicapés. Il joue aussi dans un groupe à
tendance mexicaine.
(ndlr : là Sharrie Williams pousse une énergique
onomatopée dans le style "mariachi" qui déclenche l'hilarité générale. Un bis
était indispensable !)
James Owens, guitariste. Je ne sais pas quels mots
employer pour vous le décrire, il faut que vous le voyiez sur scène. Il est le
meilleur au monde ! Nous avons grandi à l'église ensemble, nous avons joué du
gospel et du jazz à l'école, puis nous nous sommes perdus de vue. Nous nous
sommes retrouvés et maintenant nous faisons du "rockin' gospel blues". Son père
est Pasteur et James continue à jouer du gospel avec un groupe composé de ses
frères, de ses sœurs et de leurs enfants. C'est un homme très occupé, un
musicien employé à plein tempos, il ne fait rien d'autre que de jouer de la
musique.
Il y a aussi Pietro Taucher, qui est italien. Mais il
dort, il a beaucoup conduit. (ndlr : sa présence n'était initialement pas
prévue, il avait voyagé seul par la route de l'Italie à Tournon d'Agenais, Lot
et Garonne)
C'est votre mari ?
Oh non !! Mon mari n'est pas musicien, mon mari cuisine,
c'est un Chef !! Il fait de très bonnes pizzas, mais il ne peut en rien chanter…
Pitié !!! J'ai rencontré Pietro l'été dernier lors de notre tournée en Italie.
C'est un jeune homme adorable que j'apprécie beaucoup alors je l'ai intégré au
band. Pietro est un pianiste qui m'aide à sortir le meilleur de moi-même grâce à
son jeu très varié. Il est très difficile à ignorer, il est marrant à regarder,
mais je ne peux pas vous en dire plus car il faut le voir. Il tourne également
avec le John Enry Blues Band.
En fait, il faut voir tous les Wiseguys !
N'est-ce pas trop difficile d'être une femme dans
ce monde d'hommes ?
Quelquefois c'est intimidant. Mais que ce soit clair,
pas avec "my guys", eux sont de ma famille. Certains agents et certains
producteurs ont tendance à rejeter les femmes dans ce genre de musique. Mais je
suis une vraie femme et je ne me laisse impressionner ni par les machos ni par
les armoires à glace ! Mais ce n'est pas facile pour les femmes.
(ndlr : aux Wiseguys) La patronne est-elle dure
avec vous ?
James Owens : Sharrie nous apporte énormément
d'affection. Elle veut que nous soyons les meilleurs et nous pousse à l'être.
Elle ne se met pas en avant et ne tire jamais la couverture à elle.
Marco Franco : Elle partage tout, elle n'est pas une super vedette ambitieuse, gourmande.
James Owens : Elle veut que tout le monde participe, tienne son propre rôle.
Sharrie Williams : Chacun d'entre eux est important. J'ai l'habitude de dire que je suis la voiture et qu'ils en sont les roues. Sans voiture les roues ne servent à rien et sans les roues une voiture ne peut pas avancer ! Nous sommes connectés.
Combien avez-vous enregistré de disques et
avez-vous de nouveaux projets ?
Dans les années 80 j'ai enregistré avec Blues
Controversy, puis mon propre CD, "Real Woman", qui n'est sorti que dans les 90's
car nous avons eu des problèmes avec la maison de disques. Il y a eu "Sharrie
Williams Live At Wiseguys" et j'ai aussi enregistré du gospel avec mon frère
accompagnés d'une chorale. Ce CD, dans lequel je fais les solos, est paru sous
le nom de mon frère. Je travaille actuellement sur un nouvel album qui devrait
normalement sortir en septembre.
Y a-t-il aux Etats-Unis une solidarité entre les
musiciens de blues ?
Vous voulez savoir s'il existe une "musician family" aux
Etats-Unis ? Les musiciens se rencontrent et jouent ensemble mais il y a
beaucoup de concurrence et de compétition.
Marco Franco : En fait nous ne sommes pas des musiciens traditionnels. Nous jouons du blues, mais en y ajoutant du gospel, du funk et d'autres influences. Nous chamboulons un peu le truc ! Les vieux musiciens de blues ne comprennent pas çà et n'en veulent pas. Ils ne croient pas à un changement.
Sharrie Williams : Prenez The Firebirds (ndlr : groupe du Sud-Ouest qui assurait la première partie) ils sont sympas. Ils nous ont bien accueilli, ils sont venus nous parler, ils ont amené leur matériel et vont nous laisser jouer avec. Ça n'arriverait pas aux Etats-Unis. Ils ne partagent pas. Parfois nous n'y comprenons rien. Mais nous nous en fichons, nous, nous aimons partager.
Retrouvez-vous cet esprit de compétition quand
vous vous produisez dans le club de Buddy Guy à Chicago ?
Toujours…Toujours…Toujours…
Tout le monde pense pourtant qu'il existe une
fraternité entre les musiciens !
Pas avec nous !!! En fait je suppose que c'est parce que
nous sommes trop jeunes et qu'ils pensent que nous ne savons rien à propos du
blues. Nous le jouons tel que nous le voyons. Nous respectons, je respecte, le
blues, je respecte toute la tradition, cette culture, le fond social, je
respecte l'héritage. Mais je ne suis pas eux ! Je n'ai pas vécu à cette époque,
mon époque c'est maintenant et ce que je fais est de mon temps. C'est ce qu'il y
a dans ma vie et c'est comme çà que je vois le blues. Bonne réponse ?
(ndlr : rires)
Nous espérons avoir l'occasion de vous revoir
souvent en Europe.
Bien sûr ! L'Europe va devenir ma seconde maison ! Je
reviendrai…
Merci beaucoup Sharrie.
(ndlr : elle chante)
I'm so glad we had this time together ! Merci beaucoup.
: Extraits de la conférence de
presse réalisée par :
Marie-Christine
(Antenne d'Oc), Frank
Bolder (Music
Management),
Christian Boncour
(que nous remercions),
Christian Andrieu
(Trois Rivières Blues) et JPS.
Avec l'aimable participation de Romain "TRB" Pelofi à la traduction.
Vous pouvez
retrouver l'intégralité de cette conférence de presse dans le magazine
trimestriel
TROIS
RIVIERES BLUES, N° 10 >
//perso.wanadoo.fr/troisrivieresblues/
BLUES STATION IN TOURNON a accueilli pour la première fois en France Sharrie Williams & The Wiseguys.
Marco Franco ; Sharrie
Williams ; James Owens ; Sterling Brooks
Mise en forme du texte et photos : JPS